Sunday, April 10, 2005

Europe postchrétienne

De même que Cortazar estimait que dans une époque de retour échevelé à la nature, il était bon de se rappeler ce mot de Max Jacob : « ¿el campo? ¿ese lugar donde los pollos se pasean crudos? » (« la campagne ? cet endroit où les poulets se promènent tout crus ? » ) et affirmait ainsi sa préférence urbaine : « los pollos, cocidos » (les poulets, rôtis), il est bon de rappeler que nous vivons dans un Etat laïque, gagné de haute lutte après des siècles de massacres dans les guerres de religion. Tout ce foin autour de Woytila, basta.

Remplaçons le spectacle vide et affligeant par une lecture salutaire d’une petite conférence de Steiner : « Une certaine idée de l’Europe » (Actes Sud, 2005).

Steiner estime que « dans un univers à présent en proie à un fondamentalisme meurtrier, (…) l’Europe occidentale peut avoir le privilège impératif d’élaborer et de promulguer un humanisme laïque, (…) c’est une mission pour l’esprit et l’intelligence » et il évoque une « Europe postchrétienne ».

Dans la même veine, pêché dans un entretien de Steiner : « Malraux avait dit: «Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas.» J'ose le contredire: je crains que, si ce siècle est religieux, il ne sera pas. J'ai l'espoir qu'il y ait des hommes pour penser notre condition humaine, et non plus transcendantale. Que le fanatisme idéologique devienne le péché originel! Nous sommes avant le langage humain, affirme Heidegger, nous n'avons pas encore commencé à apprendre à penser et à parler. » Marie-Pierre Cordier, 10 avril 2005.